Bastien à la X-Alpine 2023

140km, 9300m D+ avec un départ à 22h00. Des heures, des mois à ressasser ces chiffres, à les tourner dans tous les sens, à les comparer pour essayer de savoir comment passer au travers, à savoir comment se préparer au mieux. Des heures à courir, à chercher la meilleure nutrition, des heures à travailler pour rendre son corps plus fort, plus endurant, des heures pour entrainer la tête à rien lâcher. Un seul but, être prêt le jour J pour profiter et ne pas subir.

Sas de départ. 160 BPM. C’est l’adrénaline qui parle et les jambes qui lâchent tout, enfin le départ, la délivrance. C’est aussi l’alerte d’un rythme trop élevé, le cœur qui s’emballe et des sensations malheureusement médiocres. Pourtant tous les coureurs autour relancent dans la montée qui emmène au-dessus de Verbier. La bascule au sommet est également rapide sur une descente facile de 17km où Bastien continue à se faire doubler… Mais comment est-ce possible ? On dirait le départ d’une course de 50km … Pourtant Bastien est dans ses temps estimés, il faut se fier à cela. Il se cale sur son rythme cardiaque d’endurance, la course est longue il ne faut pas s’enflammer. Dérouler les jambes fait du bien, les écarts se creusent progressivement et il rentre progressivement dans sa course, seul dans la nuit, enfin !

Champex-Lac arrive, ainsi que les premiers cadavres sur les bords de sentiers et aux ravitaillements… La course va être longue pour certains ! ce départ rapide ne restera pas sans conséquence pour une partie du peloton. Premier poste d’assistance pour Bastien, qui se fait ravitailler par deux amis, un luxe ! Ils repartent avec lui le long du lac. Remotivé comme jamais, un autre état d’esprit s’ancre en lui.

La montée à la cabane d’Orny est longue et technique, de la vraie montagne, celle où on doit mettre les mains, faire confiance aux appuis et lire le relief pour placer les pieds. Le paysage est juste « incroyable ». Neige, glaciers, falaises et puis au milieu, trône la cabane d’Orny, point culminant de la course et le plus impressionnant. La redescente est longue, le long des falaises et des torrents. On quitte les sentiers alpins pour rejoindre les autoroutes du tour du Mont-Blanc de La Fouly. 

La montée vers le col du Grand Saint-Bernard est longue, interminable, usante … De longs sentiers nous y emmènent, ni trop pentus ni trop plats, un entre-deux horrible, le désespoir du traileur. A l’entraînement on court dans ces pentes, en ultra on accepte la marche et on regarde le chrono qui file. Tout s’envole, l’espérance de faire moins de 30h, reste juste l’envie de terminer sans se faire mal. Enfin le relief change, des cailloux, des lacs, des bouquetins puis des motos, pas de doute le col du Grand Saint-Bernard se rapproche. Arrêt express avant de redescendre sur Bourg Saint Maurice. Malgré le dénivelé déjà avalé ça déroule bien en descente, ce qui permet à Bastien de rattraper pas mal de monde sur ces 10km, les sensations sont bonnes et les jambes répondent mieux à la descente.

Bourg-Saint-Pierre, base de vie pour se refaire une santé. Repas solide, changement d’habits et petite pause pour reprendre son souffle avant le gros morceau à venir. Après 30min, il repart reboosté car la prochaine fois qu’il revoit son assistance c’est à Lourtier avant le mur final ! La chaleur est écrasante et tous les coureurs cherchent l’ombre dans la montée vers Mille. Heureusement un léger vent aide à ne pas suffoquer. La montée semble interminable, on essaye de deviner où se trouve cette cabane de Mille mais impossible, on ne voit que quelques coureurs au loin accrochés à la montagne. Ce sera pour Bastien la partie la plus dure mentalement. Il faut se remobiliser rapidement au ravitaillement, et, c’est à partir d’ici (km 100) qu’il prend le risque de tout miser sur les descentes en lâchant tout. Petite motivation supplémentaire, celle d’arriver avant la nuit au glacier de Pannossière. Malheureusement, la montée est trop longue pour arriver à la passerelle avant la nuit. Mais quelle ambiance ! Cette traversée de passerelle dans le noir complet comme un funambule au-dessus du glacier, immense que l’on devine par le vacarme du torrent qui en émane. La redescente vers Lourtier est longue et assez pentue. Étonnamment, les jambes supportent encore bien la descente et puis de toute façon, à ce stade, il faut savoir ne plus écouter la fatigue et à dérouler. Au classement, Bastien gagne une dizaine de places une fois arrivé à Lourtier. Son assistance lui dit moins de 30h c’est possible ! Il n’y croit qu’à moitié mais se prend au jeu !

Enfin le mur final, la fatigue est extrême, mais les KV, c’est les efforts qu’il aime. Il aborde ce mur solide mentalement et rattrape du monde, relance dès que possible, seule motivation, l’heure affichée sur la montre pour débarquer dans Verbier avant 4h ! Enfin le dernier ravito, on recharge les flasques et on relance la machine. En apprenant qu’il avait repris quelques places, l’objectif top 50 semble réalisable. Avec cette motivation supplémentaire, il redescend rapidement sur Verbier, encore solide sur les appuis et sur les jambes. Et enfin cette ligne d’arrivée tant désirée. 30h20min, 53eme place. On peut dire que c’est une belle première pour son premier « 100miles ».

Le corps s’arrête alors, comme programmé par les chiffres annoncés plus haut, l’adrénaline redescend, rattrapé par cette fatigue générale. « On l’a fait », impossible de réaliser, même quelques jours plus tard. Mais une chose est sûre, il pense déjà à sa prochaine aventure.